Que doivent démontrer les investisseurs s’ils veulent avoir gain de cause

La  Cour d’appel de Toulouse par décision en date du 16 Mai 2022 – n° 21/00852 a débouté des investisseurs de leur demande d’indemnisation.

Contrairement à d’autres dossiers, les acquéreurs malheureux avaient tenté de faire courir la prescription à compter de l’issue de la période de défiscalisation.

Mais la Cour d’appel a relevé que dans leurs écritures, les appelants soutenaient que l’investissement avait été fait à des fins locatives, et elle en déduit donc que le prix de cession à terme n’avait aucune importance et qu’ils ne pouvaient donc faire courir la prescription.

Le raisonnement est sévère et il faudrait avoir accès au dossier pour savoir s’il est justifié.

Espérons cependant que la décision fera l’objet d’un pourvoi.

Rappelons enfin que les demandeurs s’ils veulent avoir gain de cause doivent démontrer que le financement de leur investissement reposait sur trois éléments :

  • Les loyers
  • La défiscalisation
  • Le prix de revente.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 23 mai 2022.

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Conseil en gestion du patrimoine, notaire, banque, la Cour de cassation a jugé

La Cour de cassation, par décision du 20 Avril 2022, vient de confirmer plusieurs décisions de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Chambre 3-3,) en date du 24 Octobre 2019 dans une affaire de défiscalisation.

Les investisseurs lésés n’avaient pas mis en cause la responsabilité du conseil en gestion de patrimoine -commercialisateur qui a fait l’objet d’une liquidation, ni du promoteur-vendeur.

Ils ont assigné le notaire intervenant et la banque les finançant en leur reprochant le déséquilibre économique de l’opération.

La Cour de cassation fidèle à sa jurisprudence a jugé que le notaire et la banque n’avait pas à vérifier les aspects économiques de l’opération, mais doivent cependant porter à la connaissance de leurs clients les informations qu’ils possèdent.

Les notaires ont accès à beaucoup d’informations sur la valeur des biens immobiliers, notamment via la base PERVAL et ils ne les communiquent jamais aux investisseurs.

Rappelons que toutefois si la banque, pour apprécier la solvabilité de l’emprunteur, a tenu compte des loyers à venir, elle doit s’assurer qu’ils pourront être bien perçus et que leur montant sera conforme.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 18 mai 2022.

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Condamnation pour dol

La société Pichet avait été condamnée pour dol par la Cour d’appel de Pau le 18 décembre 2020, tant en raison de sa qualité de promoteur, que pour avoir absorbé sa filiale de commercialisation CAPITALYS.

La Cour de cassation a confirmé cet arrêt par décision en date du 20 Avril 2022.

La décision comprend l’analyse de plusieurs fondements, dont le plus intéressant est le dol, qui est défini ainsi dans le Code Civil  article 1137 :

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

La Cour d’appel de Pau a alors étudié de manière minutieuse les simulations effectuées par la société CAPITALYS et ces simulations sont bâties toujours sur le même modèle, ce qui laisse l’espoir à de nombreux investisseurs placés dans la même situation.

« La revalorisation de 2% par an est appliquée au prix du bien … en revanche pour un contrat passé après la fin du mois de novembre 2008, cette revalorisation constitue un argument de vente frauduleux de la part d’un professionnel de l’immobilier ; « 

« la somme qualifiée d’épargne n’est pas une disponibilité financière (ce qui est le sens du mot épargne qui ne fait pas référence à utilisation qu’on peut en faire) ; il s’agit d’une dépense effectivement payée à la banque prêteuse et qu’il faut assumer sauf à risquer d’être saisi ; présenter cette dépense comme une épargne induit en erreur ;

« la simulation contient donc en ‘entrées’ les loyers nets de charge, les économies d’impôts qui sont aléatoires et une ‘épargne’ qui n’en est pas une ; la somme de ces entrées et de ces sorties doit être nulle, mais ce n’est pas un autofinancement, ce n’est qu’un équilibre de données comptables.

« En résumé, le dol est démontré en l’espèce par les éléments concordants suivants pris dans la simulation et non dans l’opération réelle :

—  le gain à 9 ans artificiellement augmenté du simple au double en utilisant fallacieusement la valeur d’achat T.T.C. et non la valeur H.T. comme assiette de sa prise de valeur nette (revalorisée ou non) rapportée à la diminution du capital restant dû sur l’emprunt en basant fallacieusement la prise de valeur nette du valeur du bien; compte tenu de la durée de l’emprunt envisagé (et non de l’emprunt réel), se trouve affichée une valeur du double environ ; le gain de valeur nette du bien n’est pas de 53.958 euros comme indiqué mais de l’ordre de 32.000 euros (avec une revalorisation du bien acceptée comme hypothèse valable) ;

— cette présentation n’a été possible que parce qu’au départ du raisonnement, le calcul d’impôt n’a été posé dans aucune des deux hypothèses à comparer que sont d’abord la situation actuelle de la personne démarchée ensuite l’hypothèse d’un achat aux prix et conditions envisagés ; le recours à l’écrit pour convaincre supposait qu’à tout le moins fût établi un document exhaustif posant correctement les hypothèses ; au lieu de cela, il est aisé de constater que l’acquéreur s’est trouvé submergé par un flot d’affirmations arithmétiquement incontrôlables ; si les calculs demeurent simple sans exiger d’expertise, ils n’ont été reconstitués par aucune des parties au procès, qui se sont bornées à inviter la juridiction à le faire au travers des critiques formulées ou des affirmations soutenues en défense.

— on note que les manuscrits conservés (pièce 2-3 et 2-4 de B C) sont confus et qu’ils laissent comprendre que la réduction de 6% de la valeur du bien entre dans les charges déductibles servant à déterminer un loyer net ; cette valeur n’est pas déduite des charges réductibles mais du revenu imposable

— les calculs d’impôts ne sont pas refaits crayon en main avec application des formules d’imposition et référence à toutes les déductibilités prévues par le CGI.

Il résulte ensuite de la propre argumentation de la SAS PROMOTION PICHET et de la S.C.I. MESTADE, que cette méthode de commercialisation est généralisée et applicable à tous les dossiers plaidés. »

La  Cour d’appel de Pau a refusé l’annulation de la vente, mais a considéré qu’il y avait 2 chances sur 3 que le demandeur n’aurait pas contracté si Pichet/CAPITALYS n’avait pas commis de dol.  Elle a donc estimé que le préjudice était égal au 2/3 de la perte de valeur.

La Cour d’Appel a ensuite condamné PICHET à une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral  et de de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

La Cour de Cassation a donc confirmé en ces termes l’analyse de la Cour d’ appel de Pau :

« Après  avoir procédé à une analyse détaillée de l’ensemble des documents produits et débattus entre les parties, la cour d’appel, qui a retenu que le dol était démontré par un gain à neuf ans artificiellement augmenté environ du double en utilisant fallacieusement la valeur d’achat toutes taxes comprises (TTC) et non la valeur hors taxes du bien comme assiette de sa prise de valeur nette rapportée à la diminution du capital restant dû sur l’emprunt, que la revalorisation du prix TTC était destinée à endormir la vigilance des cocontractants et que les acquéreurs avaient été trompés sur le gain attendu, majoré quasiment du simple au double, a caractérisé l’intention dolosive du mandataire. Elle a pu déduire de ces seuls motifs que le mandataire était responsable du préjudice causé par le dol commis au préjudice des acquéreurs. »

Par leur pertinence, ces deux arrêts feront certainement jurisprudence, ce qui devrait donner de l’espoir à des investisseurs ayant acquis sur la base de fausses simulations.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 29 avril 2022.

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Arrêt en matière bancaire sur la prescription favorable aux investisseurs

Les décisions rendues en matière de prescription deviennent de plus en plus souvent favorables aux investisseurs lésés dans des opérations de défiscalisation comme l’a jugé récemment la Cour d’Appel de Rennes (18 Mars 2022 – n° 19/00112). On ignore si cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

Les faits sont assez simples :
Par l’intermédiaire de la société Masson Caillibot Patrimoine, devenue Masson Conseil Patrimoine et Associés (la société MCPA) qui exerce une activité de conseil en gestion de patrimoine, Madame H. a, selon bon de souscription du 19 novembre 2006, acquis, moyennant le prix de 80 000 euros, 80 parts sociales de la SCI Le Colombier construisant, sur la partie française de l’île de Saint-Martin, six villas à usage locatif, cet investissement étant éligible au dispositif de défiscalisation « Girardin ». En outre, toujours par le même intermédiaire, elle a, selon demande d’adhésion du même jour, souscrit un contrat d’assurance-vie multi-support auprès de la compagnie Suravenir pour y placer une somme de 40 000 euros.

Elle a souscrit un contrat d’assurance vie pour y placer une somme de 40.000 euros et souscrit deux emprunts pour un total de plus de 120.000 euros.

En 2016, soit 10 ans environ après l’opération, Madame H a assigné le conseil en gestion et la banque qui n’ont pas manque de soutenir que l’affaire serait prescrite.

La Cour d’appel a donc rappelé les principes applicables en matière de prescription et en a fait une juste application :

« La prescription de l’action en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice subi sur l’assurance-vie ainsi que celle en réparation des manquements du Crédit mutuel à ses obligations de mise en garde et de respect de l’affectation des fonds prêtés lors de l’octroi des fonds destinés à financer l’opération n’ont pu courir avant ces dates, de sorte que ces demandes sont recevables. » Les dates visées sont celles du remboursement du crédit in fine et du rachat de l’assurance vie).

Il s’en évince que le point de départ du délai de prescription de l’action en réparation de ce préjudice n’est pas la date de l’échéance de remboursement du capital du prêt in fine ou de rachat du contrat d’assurance-vie, mais celle où Madame H. démontre que le caractère inadéquat du conseil d’acheter des parts de SCI aux Antilles lui a été révélé. » Le préjudice visé est celui lié au placement immobilier.

La Cour conclut en indiquant que la banque aurait du avertir sa cliente des risques d’un prêt infine

« Or, le Crédit mutuel ne pouvait ignorer que ces perspectives étaient soumises à l’aléa de l’évolution des marchés financiers, de sorte qu’elle aurait dû mettre Madame H. en garde sur le risque de ne pouvoir faire face à l’échéance de de 80 962,80 euros en cas de retournement de ces marchés et des performances moyennes des placements en contrats d’assurance-vie.

À cet égard, si Madame H. a, selon sa déclaration du 23 décembre 2006 précitée, été mise en garde par la banque sur certains risques inhérents à l’opération financée, elle ne l’a pas été sur celui procédant de l’impossibilité de faire face à l’obligation de remboursement du prêt in fine. »



Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 29 mars 2022.

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La responsabilité des notaires dans les opérations de défiscalisation

Les décisions concernant la mise en jeu de la responsabilité des notaires dans les opérations de défiscalisation s’enchainent. Il leur est en effet régulièrement reproché de ne pas avoir rempli leur devoir de conseil et d‘information. 

La Cour d’appel de Caen a du statuer le 8 février 2022 sur une affaire de défiscalisation Malraux initiée par la société France Pierre Invest qui a fait l’acquisition à Bayeux (14) d’un ensemble immobilier en vue de le diviser en parcelles et de revendre ces dernières à différents investisseurs.

Le bien acquis comme une grange à restaurer et non comme un immeuble à usage d’habitation

Lors de la réitération de la vente par acte authentique du 28 décembre 2007 reçu par Maître D., le bien vendu moyennant le prix de 120.000,00 €, a été désigné comme étant une grange à restaurer dépendant d’un ensemble immobilier plus grand, située à […], ainsi que les 100/1000èmes indivis d’un jardin commun et d’un passage commun situés […] et […].

Les époux A. qui souhaitaient effectuer une opération immobilière s’inscrivant dans le cadre de la Loi Malraux, ont fait réaliser les travaux de rénovation de la grange et ont bénéficié d’une déduction foncière de 101.595,00 € au titre de l’année 2007 et de 100.070 € au titre de l’année 2008 dans le cadre de leurs revenus fonciers des années 2007 et 2008.

À la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale leur a adressé, par lettre recommandée du 3 août 2010, une proposition de rectification au motif que l’acte authentique établi par Maître D. le 28 décembre 2007 décrivait le bien acquis comme une grange à restaurer et non comme un immeuble à usage d’habitation, de telle sorte qu’ils ne pouvaient pas bénéficier des déductions foncières de 2007 et 2008. Leur recours porté devant le tribunal administratif puis la Cour administrative de Nancy a été rejeté.

Les époux lésés ont donc engagé la responsabilité de leur notaire.

Le notaire connaissait la volonté des époux de bénéficier des avantages fiscaux de la Loi Malraux et il lui incombait donc d’attirer l’attention des époux A. autrement que par le seul envoi du projet d’acte, d’une part sur le changement de désignation du bien vendu, d’autre part sur l’impossibilité dans ces conditions de bénéficier du dispositif de la Loi Malraux, ce peu important que les acquéreurs aient été assistés de leur propre notaire, ceci ne dispensant pas le notaire rédacteur de son propre devoir de conseil.

Le notaire a donc été condamné à indemniser les époux au titre de la perte d’une chance à 95% du montant du redressement fiscal.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 11 février 2022.

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