Condamnation d’un commercialisateur

La Cour de cassation a rejeté le 2 Février 2022 le pourvoi d’un commercialisateur qui a été condamné pour ne pas avoir conseillé utilement ses clients.

La décision ne précise pas les éléments de faits de manière détaillée. Mais, il faut rappeler que le schéma des défaillances dans les résidences de tourisme est souvent le même :

  • La déduction fiscale est liée à une obligation de louer le bien pendant au moins neuf ans à un exploitant
  • Lors de l’acquisition, le promoteur demande à l’acquéreur de signer un bail et le montant des loyers est très proche de celui des mensualités de remboursement
  • L’acquéreur espère alors devenir propriétaire avec un effort de trésorerie très minime et signe, mis en confiance par le commercialisateur
  • Mais, il déchante rapidement car l’exploitant cesse de payer les loyers et « dépose son bilan ». Il essayera de négocier avant un loyer minime, mais qui ne couvrira pas les mensualités bancaires.

Dans certaines affaires, le promoteur est à l’initiative de la création de l’exploitant qu’il finance en sous main le temps de vendre tous les appartements du programme.

Les faits de l’affaire soumise au contrôle de la Cour étaient assez simples et l’on était sans doute dans la situation décrite ci dessus.

M. et Mme [E] ont acquis, par l’intermédiaire d’un commercialisateur, selon un contrat de réservation du 17 avril 2007 suivi d’un acte authentique du 1er août 2007, un appartement en l’état futur d’achèvement dans un immeuble à vocation de résidence de tourisme, à titre d’investissement immobilier locatif défiscalisé et avec l’aide d’un prêt.

Ils ont conclu avec la société X, chargée de l’exploitation de la résidence, un bail commercial pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 7 636 euros hors taxes. À la suite de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au profit de cette société, un avenant au bail a été conclu à effet du 1er avril 2013, avec un loyer annuel ramené à 4 052 euros.

M. et Mme [E] ont assigné le commercialisateur pour manquement à son obligation d’information et de conseil, en paiement de la différence entre le montant du bail initial et celui de l’avenant pour la période allant du 1er avril 2013 à la fin du bail commercial.

La  Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel, avait relevé que les informations fournies aux futurs acquéreurs présentaient le projet comme dénué de tout risque, avec la sécurité de loyers garantis pendant une durée irrévocable de neuf ans, sans comporter la moindre réserve sur les risques liés à l’éventuelle défaillance du preneur à bail.

Elle en a souverainement déduit que la sécurité de l’opération avait été déterminante de leur consentement et que, s’ils avaient été informés du risque de non-perception des loyers en cas de déconfiture du preneur à bail, ils auraient refusé de souscrire à l’investissement, ce dont il résultait une absence d’aléa.

Ayant ainsi exclu toute incertitude sur la décision des acquéreurs s’ils avaient été dûment informés des aléas et risques éventuels de l’opération d’investissement immobilier proposée, elle en a exactement déduit que le préjudice causé par le manquement de la société X à son devoir d’information et de conseil ne pouvait consister en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et correspondait à l’intégralité de la perte de loyers subie.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 15 février 2022.

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Responsabilité du CGP/Commercialisateur

LA COUR D’APPEL PRIVE SA DECISION DE BASE LEGALE ET VIOLE LES ARTICLES DU CODE CIVIL

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : Donne acte à M. et Mme X… du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la caisse régionale de Crédit agricole de Paris et Ile-de-France.

Les faits
M. et Mme X…, ont contacté la société ACI audit et stratégie, conseiller en gestion de patrimoine, dans le but de réaliser un investissement immobilier défiscalisant.

Après une étude personnalisée, la société ACI leur a conseillé d’investir dans un programme immobilier à Saint-Aignan, éligible au dispositif Loi Malraux et développé sous l’égide de la société Financière Barbatre.

Par acte authentique du 29 décembre 2006, auquel ils étaient représentés par une procuration notariée, ils ont acquis un local à usage d’habitation, constituant un des lots de la Résidence Les Ducs de Saint-Aignan.

Par actes sous seing privé annexés à l’acte de vente, M et Mme X ont contracté deux prêts afin de financer cette acquisition et les travaux de réhabilitation, objets de l’opération de défiscalisation attendue.

Mais le promoteur-vendeur et ses filiales chargées des travaux de restauration et de l’exploitation de la future résidence hôtelière sont placés en redressement puis en liquidation judiciaire avant que ne débutent les travaux de réhabilitation, alors que. et Mme X. ont réglé en pure perte la somme de 124 765,39 euros à titre d’avances sur travaux.

Le couple décide d’assigner pour manquement à leurs obligations respectives d’information et de conseil, de mise en garde et de prudence, toutes les parties incriminées : la société ACI audit et stratégie, la SCP Nénert et associés, notaire instrumentaire de l’acte de vente et la banque dispensatrice des crédits. Ils comptent obtenir réparation de leur préjudice et du manque à gagner financiers.

Rejet de la demande
Les demandes d’indemnisation formulées par les plaignants contre la société de conseil en gestion du patrimoine ont été rejetées. L’arrêt indique que les époux ont bien été informés de l’état d’avancement du projet, qui n’en était qu’à ses débuts, et des détails de l’investissement qui n’a fait l’objet d’aucun apport de leur part, présentant de ce fait un caractère aléatoire qu’il leur fallait assumer.

Par une telle décision et en n’apportant pas la preuve que les époux n’avaient pas été correctement informés que l’opération présentait des risques empêchant le succès de l’opération lié à une exploitation rapide de l’immeuble en résidence hôtelière, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’art. 1147 du Code civil.

Les demandes d’indemnisation formulées par les plaignants contre la SCP notaire, l’arrêt indique que les époux ne remettent pas en cause la validité de la vente, par conséquent, ils ne peuvent pas reprocher au notaire d’avoir authentifié un acte dont l’efficacité ne peut pas être contesté puisque les irrégularités supposées des actes sont antérieures à la vente. Par ailleurs, la vente est parfaite puisque, à la réception de l’acte authentique, les époux ont levé l’option. Le notaire n’a donc pas alerté sur les risques de l’opération et ne peut donc pas être tenu pour responsable d’un défaut de conseil ou d’information.

Malgré la perfection de la vente, le notaire aurait du vérifier les circonstances de la promesse de vente et valider l’efficacité juridique et financière du programme. En rejetant les demandes d’indemnisation sur ces bases, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’art. 1382 du Code civil.

L’arrêt évoque la déconfiture du promoteur et de ses filiales, comme seule origine du préjudice subi et à la base de la demande de réparation, indiquant que l’insolvabilité financière du promoteur n’a été révélé qu’après la vente. En retenant des motifs impropres à établir la preuve de la responsabilité des deux professionnels impliqués, le conseiller en gestion du patrimoine et le notaire, dans la décision des époux d’investir sans conseils éclairés, ne leur donnant aucune chance de se désengager, la Cour d’appel a violé les articles 1147 et 1382 du Code civil.

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