La Cour d’appel de Reims a rendu, le 6 décembre 2022, un arrêt faisant droit aux demandes d’un investisseur. Ce qui est intéressant dans cette décision, c’est que la Cour d’appel a reconnu le défaut de conseil du Conseil en gestion de patrimoine, qui avait fait souscrire le produit .
Elle a estimé que l’investisseur malheureux, s’il avait été utilement conseillé, avait une chance sur deux de ne pas souscrire le produit. Et en conséquence, elle a estimé que la perte d’une chance était égale à 50% de l’investissement litigieux.
Sur le plan anecdotique, les faits étaient assez atypiques.
Courant 2006, le demandeur, joueur de football professionnel depuis 2004, s’est adressé à la société FC ASSOCIES, conseil en gestion de patrimoine spécialisé dans l’accompagnement patrimonial dédié au monde du football professionnel. De la décision, il ressort que son revenu annuel s’élevait à la modique somme de 800.000 euros à l’age de 22 ou 25 ans.
De décembre 2006 à décembre 2007, le demandeur a réalisé trois opérations de défiscalisation conseillées par la société FC ASSOCIES, en achetant des biens immobiliers à usage locatif en secteur sauvegardé proposés par ce commercialisateur, financés par des prêts in fine auxquels étaient adossés des contrats d’assurance vie sur lesquels il abondait mensuellement, de sorte que pendant la durée des prêts, il ne remboursait que les intérêts bancaires, entièrement déductibles des revenus, et que les contrats d’assurance vie adossés aux prêts lui permettaient, après cessation de l’avantage fiscal, soit de conserver l’immeuble en remboursant le crédit avec les fonds de l’assurance vie, soit de vendre celui-ci en remboursant l’emprunt par le fruit de la vente.
Le demandeur avait réalisé prés de 800.000 euros d’investissement répartis sur trois appartements. Ces investissements ont été réalisés dans le cadre du dispositif dit Malraux.
Le 1er avril 2009, la société FC ASSOCIES a établi un plan d’action patrimonial.
Courant avril 2010, la société FC ASSOCIES a réalisé un audit d’investissements 2009-2010 mentionnant notamment la valeur des investissements du demandeur la charge d’emprunt, les revenus locatifs, la valeur en nantissement, et le montant des versements programmés mensuels sur les contrats d’assurance vie.
En décembre 2019,le demandeur a acheté deux appartements supplémentaires .
Une blessure a mis fin à sa carrière.
Constatant qu’après avoir effectué des remboursements pour un montant total de l’ordre de 900.000 euros pour des biens d’une valeur totale de l’ordre de 669.000 euros, alors que restait due aux différents établissements de crédit la somme de 1.561.756 euros, par actes d’huissier en date des 11 et 15 juin 2018, le demandeur a assigné devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Reims la Sarl FC ASSOCIES.
La Cour a tout d’abord rappelé que « le conseil en gestion de patrimoine doit guider son client dans les choix des placements qui s’offrent à lui et l’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ses choix. Il doit se livrer à une appréciation objective et subjective de l’opération qu’il préconise ainsi que tout mettre en oeuvre pour guider son client dans des choix adaptés à ses besoins et ses objectifs.
Il est tenu d’un devoir d’information portant sur les conditions des projets conseillés, telles les conditions pour bénéficier des exonérations fiscales, ainsi que d’un devoir de conseil, visant à éclairer son client sur l’opportunité des choix à exercer.
L’information doit être délivrée préalablement à l’investissement et non pas postérieurement à l’investissement.
Pour ce faire, il doit se renseigner sur la situation financière et patrimoniale de son client, les connaissances de celui-ci en matière financière et ses objectifs d’investissement.
Il doit informer son client non seulement sur les avantages que présente la solution d’investissement proposée mais également sur les inconvénients qui en sont le corollaire.
Il doit également vérifier que le support d’investissement choisi répond au profil de gestion en adéquation avec les besoins et objectifs de son client.
C’est sur lui que pèse la charge de la preuve du respect de ces obligations.«
Elle s’est également appuyée sur la charte de la chambre professionnelle des conseils en gestion de patrimoine indépendants.
Puis, la Cour a jugé que l’affaire n’était pas prescrite puisque ce n’est qu’à compter de 2017 que le demandeur avait eu connaissance de la valeur de ces biens.
Pour condamner la société FC associés, elle a jugé que l’investissement proposé était sur le long terme, compte tenu des obligations fiscales d’immobilisation. Mais que la carrière d’un footballeur était par essence très courte et à la merci d’une blessure ou d’un mauvais résultat.
Le préjudice moral a été évalué à la somme de 5000 euros.
Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 21 décembre 2022.
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