Des promoteurs et commercialisateurs déboutés

Les décisions déboutant les promoteurs et/ou commercialisateurs de leurs arguments se multiplient. Dernière en date : Celle de la Cour d’appel de Rennes.

Le promoteur est bien connu puisqu’il s’agit de la sociéte EDELIS-AKERYS. Le commercialisateur tout aussi connu il s’agit de la société IFB.

L’action était une demande de nomination d’un expert judiciaire dont la mission visait à expliquer la perte de la valeur du bien entre l’acquisition et la fin de la période d’immobilisation fiscale.

De manière classique, le promoteur et le commercialisateur ont soulevé la prescription et la Cour d’appel devait leur donner tort en jugeant que la problématique de la prescription relevait du juge du fond, tout en soulignant implicitement que le point de départ pour agir était le jour de la revente.

La Cour d’appel a jugé également que le promoteur ne pouvait soutenir sérieusement être étranger aux agissements de son commercialisateur (C’est la nouvelle stratégie des promoteurs de soutenir qu’ils ne sont pas responsable des commercialisateurs).

Sur ce point la décision est ainsi rédigée « Ainsi l’opération de promotion immobilière, ainsi que cela est habituel, s’est-elle inscrite dans un ‘process intégré’ depuis la construction par Edelis jusqu’à la défiscalisation élaborée par IFB France et labellisée par EDC, de sorte qu’Edelis ne peut sérieusement soutenir être étrangère au contenu de l’information donnée par son commercialisateur IFB France et prétendre que les études liminaires réalisées par celui-ci et systématiquement proposées à l’ensemble des clients potentiels ne la concerneraient pas, tandis que l’association EDC ne peut quant à elle sérieusement prétendre être exonérée de tout devoir d’information et de conseil ‘ dont c’est précisément la mission ‘ à l’égard de ses adhérents, dont M. et Mme [S] qui ont adhéré à sa structure et ont payé la cotisation. »

La guerre n’est pas gagnée, mais la première bataille l’est !

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 17 mai 2023.


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La Cour d’appel de Reims reconnait le défaut de conseil du CGP

La Cour d’appel de Reims a rendu, le 6 décembre 2022, un arrêt faisant droit aux demandes d’un investisseur. Ce qui est intéressant dans cette décision, c’est que la Cour d’appel a reconnu le défaut de conseil du Conseil en gestion de patrimoine, qui avait fait souscrire le produit .

Elle a estimé que l’investisseur malheureux, s’il avait été utilement conseillé, avait une chance sur deux de ne pas souscrire le produit. Et en conséquence, elle a estimé que la perte d’une chance était égale à 50% de l’investissement litigieux.

Sur le plan anecdotique, les faits étaient assez atypiques.

Courant 2006, le demandeur, joueur de football professionnel depuis 2004, s’est adressé à la société FC ASSOCIES, conseil en gestion de patrimoine spécialisé dans l’accompagnement patrimonial dédié au monde du football professionnel. De la décision, il ressort que son revenu annuel s’élevait à la modique somme de 800.000 euros à l’age de 22 ou 25 ans.

De décembre 2006 à décembre 2007, le demandeur a réalisé trois opérations de défiscalisation conseillées par la société FC ASSOCIES, en achetant des biens immobiliers à usage locatif en secteur sauvegardé proposés par ce commercialisateur, financés par des prêts in fine auxquels étaient adossés des contrats d’assurance vie sur lesquels il abondait mensuellement, de sorte que pendant la durée des prêts, il ne remboursait que les intérêts bancaires, entièrement déductibles des revenus, et que les contrats d’assurance vie adossés aux prêts lui permettaient, après cessation de l’avantage fiscal, soit de conserver l’immeuble en remboursant le crédit avec les fonds de l’assurance vie, soit de vendre celui-ci en remboursant l’emprunt par le fruit de la vente.

Le demandeur avait réalisé prés de 800.000 euros d’investissement répartis sur trois appartements. Ces investissements ont été réalisés dans le cadre du dispositif dit Malraux.

Le 1er avril 2009, la société FC ASSOCIES a établi un plan d’action patrimonial.

Courant avril 2010, la société FC ASSOCIES a réalisé un audit d’investissements 2009-2010 mentionnant notamment la valeur des investissements du demandeur la charge d’emprunt, les revenus locatifs, la valeur en nantissement, et le montant des versements programmés mensuels sur les contrats d’assurance vie.

En décembre 2019,le demandeur a acheté deux appartements supplémentaires .

Une blessure a mis fin à sa carrière.

Constatant qu’après avoir effectué des remboursements pour un montant total de l’ordre de 900.000 euros pour des biens d’une valeur totale de l’ordre de 669.000 euros, alors que restait due aux différents établissements de crédit la somme de 1.561.756 euros, par actes d’huissier en date des 11 et 15 juin 2018, le demandeur a assigné devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Reims la Sarl FC ASSOCIES

La Cour a tout d’abord rappelé que « le conseil en gestion de patrimoine doit guider son client dans les choix des placements qui s’offrent à lui et l’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ses choix. Il doit se livrer à une appréciation objective et subjective de l’opération qu’il préconise ainsi que tout mettre en oeuvre pour guider son client dans des choix adaptés à ses besoins et ses objectifs.

Il est tenu d’un devoir d’information portant sur les conditions des projets conseillés, telles les conditions pour bénéficier des exonérations fiscales, ainsi que d’un devoir de conseil, visant à éclairer son client sur l’opportunité des choix à exercer.

L’information doit être délivrée préalablement à l’investissement et non pas postérieurement à l’investissement.
Pour ce faire, il doit se renseigner sur la situation financière et patrimoniale de son client, les connaissances de celui-ci en matière financière et ses objectifs d’investissement.

Il doit informer son client non seulement sur les avantages que présente la solution d’investissement proposée mais également sur les inconvénients qui en sont le corollaire.

Il doit également vérifier que le support d’investissement choisi répond au profil de gestion en adéquation avec les besoins et objectifs de son client.

C’est sur lui que pèse la charge de la preuve du respect de ces obligations.« 

Elle s’est également appuyée sur la charte de la chambre professionnelle des conseils en gestion de patrimoine indépendants.

Puis, la Cour a jugé que l’affaire n’était pas prescrite puisque ce n’est qu’à compter de 2017 que le demandeur avait eu connaissance de la valeur de ces biens.

Pour condamner la société FC associés, elle a jugé que l’investissement proposé était sur le long terme, compte tenu des obligations fiscales d’immobilisation. Mais que la carrière d’un footballeur était par essence très courte et à la merci d’une blessure ou d’un mauvais résultat.

Le préjudice moral a été évalué à la somme de 5000 euros.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 21 décembre 2022.


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La Cour d’appel de Dijon a condamné des commercialisateurs

La Cour d’appel de Dijon dans une décision du 12 juillet 2022 a rappelé en ces termes la responsabilité des commercialisateurs qu’elle a d’ailleurs condamnés :

« Après avoir ensuite énoncé à bon droit qu’en leur qualités de mandataires de la société PFI Diffusion chargées de proposer à des investisseurs un produit spécifique de défiscalisation dans le cadre de la loi Bouvard, les sociétés de commercialisation étaient tenues envers les acquéreurs potentiels, qu’aucun élément objectif ne permet de qualifier d’avertis, d’une obligation d’information sur les caractéristiques, mais aussi sur les risques inhérents à l’opération, de nature à engager leur responsabilité délictuelle, les premiers juges, au moyen d’une juste analyse des pièces qui leur étaient soumises, ont pertinemment retenu que l’opération avait été exposée aux investisseurs comme présentant une sécurité et une rentabilité garanties, sans que leur soit à aucun moment, et par quelque biais que ce soit, fournie une information claire et complète sur les critères légaux que devait réunir le bien acquis pour pouvoir bénéficier de la défiscalisation promise, pas plus que sur le risque lié à l’éventuelle défaillance de la société en charge de l’exploitation de la résidence.

Au regard de ces divers éléments, qui suffisent à caractériser le manquement des sociétés de commercialisation à leur obligation d’information, c’est à bon escient que le tribunal a retenu le principe de leur responsabilité envers leurs interlocuteurs respectifs. 

La perte d’une chance de ne pas contracter a été évalué à 80% et le préjudice moral à la somme de 2000 Euros.

On ne peut qu’approuver cette décision qui concernait notamment la société DOCOMO ET S.A.S. ALLIANCE STRATEGIE PATRIMOINE.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 4 novembre 2022.


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Condamnation d’un commercialisateur

La Cour de cassation a rejeté le 2 Février 2022 le pourvoi d’un commercialisateur qui a été condamné pour ne pas avoir conseillé utilement ses clients.

La décision ne précise pas les éléments de faits de manière détaillée. Mais, il faut rappeler que le schéma des défaillances dans les résidences de tourisme est souvent le même :

  • La déduction fiscale est liée à une obligation de louer le bien pendant au moins neuf ans à un exploitant
  • Lors de l’acquisition, le promoteur demande à l’acquéreur de signer un bail et le montant des loyers est très proche de celui des mensualités de remboursement
  • L’acquéreur espère alors devenir propriétaire avec un effort de trésorerie très minime et signe, mis en confiance par le commercialisateur
  • Mais, il déchante rapidement car l’exploitant cesse de payer les loyers et « dépose son bilan ». Il essayera de négocier avant un loyer minime, mais qui ne couvrira pas les mensualités bancaires.

Dans certaines affaires, le promoteur est à l’initiative de la création de l’exploitant qu’il finance en sous main le temps de vendre tous les appartements du programme.

Les faits de l’affaire soumise au contrôle de la Cour étaient assez simples et l’on était sans doute dans la situation décrite ci dessus.

M. et Mme [E] ont acquis, par l’intermédiaire d’un commercialisateur, selon un contrat de réservation du 17 avril 2007 suivi d’un acte authentique du 1er août 2007, un appartement en l’état futur d’achèvement dans un immeuble à vocation de résidence de tourisme, à titre d’investissement immobilier locatif défiscalisé et avec l’aide d’un prêt.

Ils ont conclu avec la société X, chargée de l’exploitation de la résidence, un bail commercial pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 7 636 euros hors taxes. À la suite de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au profit de cette société, un avenant au bail a été conclu à effet du 1er avril 2013, avec un loyer annuel ramené à 4 052 euros.

M. et Mme [E] ont assigné le commercialisateur pour manquement à son obligation d’information et de conseil, en paiement de la différence entre le montant du bail initial et celui de l’avenant pour la période allant du 1er avril 2013 à la fin du bail commercial.

La  Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel, avait relevé que les informations fournies aux futurs acquéreurs présentaient le projet comme dénué de tout risque, avec la sécurité de loyers garantis pendant une durée irrévocable de neuf ans, sans comporter la moindre réserve sur les risques liés à l’éventuelle défaillance du preneur à bail.

Elle en a souverainement déduit que la sécurité de l’opération avait été déterminante de leur consentement et que, s’ils avaient été informés du risque de non-perception des loyers en cas de déconfiture du preneur à bail, ils auraient refusé de souscrire à l’investissement, ce dont il résultait une absence d’aléa.

Ayant ainsi exclu toute incertitude sur la décision des acquéreurs s’ils avaient été dûment informés des aléas et risques éventuels de l’opération d’investissement immobilier proposée, elle en a exactement déduit que le préjudice causé par le manquement de la société X à son devoir d’information et de conseil ne pouvait consister en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et correspondait à l’intégralité de la perte de loyers subie.

Auteur : Me Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour.
Publié par Erin B. le 15 février 2022.

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